Voici une page consacrée à la polyphonie sarde ou plutôt AUX polyphonies sardes !
Mes premiers contacts avec la Sardaigne remontent à un lointain 1990, lors d’un premier voyage-découverte. Le choc est intense, frontal ! Découvrir un monde aussi proche qui soit aussi lointain de tout ce que je pouvais vivre au quotidien bouleverse mes représentations.
Aujourd’hui, 30 ans de vas et viens, de recherches, d’échanges et de vie sur le terrain me permettent de vous proposer des ensembles de polyphonie sarde, avec lesquels j’ai engagé des collaborations aussi fructueuses que pérennes.
D’une originalité et d’une richesse sans égales dans l’aire culturelle européenne, les polyphonies de la Sardaigne sont des expressions culturelles et artistiques de la société agro-pastorale sarde mais également les témoins de la créativité de ses interprètes et de la vivacité de la tradition dans une société contemporaine.
En Sardaigne, chaque communauté a son propre chant, une manière singulière de l’interpréter qu’elle s’est appropriée depuis des siècles, se constituant un répertoire spécifique et exclusif, une manière originale de le nommer (tenore, cuncordu, taxa, cuntzertu, chidasantinu, cuntrattu, traggiu, etc.).
Tous ces chants sont différenciés par les ethnomusicologues selon le type d’émission de la voix : le canto a tenore, à émission vocale gutturale et le canto a cuncordu, à emission vocale natuelle . Chacun de ces types de chant fait référence à des réalités socio-historiques et régionales particulières.
Le chant dit « a tenore » constitue la polyphonie sarde par excellence. Ce chant très singulier, aux accents archaïques et sonorités gutturales est considéré comme l’expression la plus ancienne de la polyphonie occidentale. Le répertoire est constitué de chants à danser, de chants d’amour, de poésies traditionnelles et contemporaines en langue sarde, de textes souvent satiriques inspirés de l’actualité politique et de la vie locale. Étroitement lié au monde agro-pastoral le cantu a tenore est souvent considéré comme le chant des bergers sardes mais aujourd’hui, en Barbagia, berceau de le polyphonie sarde, il constitue un véritable patrimoine que chaque villageois s’approprie quelque soit son métier et sa condition sociale.
Le chant a tenore a été déclaré patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2008.
Le cantu a tenore, exclusivement masculin, est exécuté par une voix soliste qui déclame le texte et par un petit chœur de trois hommes qui lui répondent par onomatopées.
Pour en savoir plus sur le cantu a tenore : vidéo
Le cantu a cuncordu est pratiqué par sos cantores, ces chantres quelquefois confrêres, lors des processions de la semaine sainte.
L’origine du cantu a cuncordu n’est pas attestée, mais il a probablement été introduit en Sardaigne au 16°siècle après le concile de Trente par les moines franciscains et jésuites, par la pratique du ”faux bourdon” (harmonisation simple à trois ou quatre voix d’une ligne de chant donnée, très brève, correspondant habituellement à un verset d’un psaume), pour évoluer ensuite de manière autonome en se greffant sur des formes de choralité préexistantes. Les chants les plus représentatifs sont ceux de la Passion avec le Misere et le Stabat Mater, connus dans presque tous les villages, le Jesu de Castelsardo ou encore le Libera me Domine d’Orosei de la messe des morts. On trouve aussi les chants lithurgiques de l’Ordinarium Missae comme le Kirye, le Gloria, le Sanctus, le Credo et l’Agnus Dei ou des chats en langue sarde comme le Deus ti salvet Maria. Sur le même modele d’harmonisation chaque village a également un répertoire de chants profanes qui lui ai propre, composé de chants d’amour ou satiriques, de poésies chantées d’auteurs locaux, que les villageois entonnent lors d’événements publics et de fêtes privés.
Le Tenore San Gavino de Oniferi est composé des trois frères Pirisi du village de Oniferi en Barbagia et d’un de leur plus viel ami du village. Issus d’une famille de bergers ils ont été initiés au chant par leur père, chanteur lui-même. Si l’un d’eux a repris le troupeau familial et mène la vie de ses pères, et grands pères, l’un d’eux est devenu avocat et l’autre employé de mairie. Des parcours personnels entre tradition et contemporanéité inhérents à la vie et la société sarde d’aujourd’hui qui en façonne ses expressions, le cantu a tenore comme tout autre production culturelle | vidéo
On connait Orgosolo pour le film d’Ottaviani Banditi ad Orgosolo et pour ses fameux murales qui ont recouverts les murs du village à partir de 1969 avec la révolte de Pratobello. Orgosolo c’est l’une des patries du cantu a Tenores et de la culture ago-pastorale sarde. Mais c’est aussi un microcosme encré dans le présent et tourné vers le futur. Le Tenore Murales Orgosolo en est l’essence | vidéo
Le Coro Gabriel de Tempio Pausania, chante la taxa, cette polyphonie sarde aux accents légérement corse, typique de la région de la Gallura, au nord de l’île. Elle se caractérise par l’utilisation d’une cinquième voix, le falzittu qui souligne le rythme et la fin des chants. Le Coro Gabriel utilise la cetera, guitare sardo-corse à 16 cordes, pour l’accompagnement de leur compositions contemporaines. En 1996 il enregistre pour Sony Music le CD Voci di Sardegna | vidéo
L’association et l’actuel Coro de Bosa sont créés en 2000 dans le but de conserver, développer, transmettre la polyphonie bosane. Elle intègre en son sein des chanteurs renommés qui ont fait l’histoire de la polyphonie Bosane, aux côté de tout jeune chanteurs. Aujourd’hui, la fonction principale du Coro de Bosa consite en sa présence au sein de sa communauté, aussi bien durant les rites paraliturgique de sa Chida Santa (la semaine sainte), que pour les événements profanes. Bosa est sans doute la ville en Sardaigne, où s’est développé aux côtés des chants sacrés comme le Misere, le Stabat Mater, etc. un très vaste répertoire profane, chanté lors de fêtes et de réunions privées | vidèo
À Bortigali Le chant polyphonique sacré, ainsi que le quatuor qui l’exécute, est appelé Chidasantinu, du nom de l’événement majeur durant lequel il est pratiqué, sa Chida Santa (la semaine sainte). L’association et le Cuncordu Sas Enas sont créés en 2002 dans le but de d’animer, valoriser et développer les traditions musicales de Bortigali et des autres peuples du monde avec une attention particulière aux langues minoritaires. Chaque année l’association organise le festival Boghes de pedde, sonos de ula où se rencontrent percussionnistes africains et chanteurs sardes | vidéo
Cuglieri est un haut-lieu du chant en Sardaigne et aussi un spirituel important dont les traditions pascales attirent des gens de toute la Sardaigne et de toute l’Europe. Le Cuncordu Sos Cantores de Cuglieri est un ensemble polyphonique composé de 6 à 8 chanteurs qui ont une fonction sociale forte au sein de la communauté villageoise, celle d’accompagner certains rites religieux, dont le plus important au niveau social et culturel est celui de la Semaine Sainte. Sur scène Sos Cantores proposent un concert de chants de la Semaine Sainte, accompagné de projections d’images qui permettront au public de d’appréhender le sens profond de ces chants et leur impact émotif | vidéo
À Orosei on chante aussi bien a cuncordu qu’a tenore. Le cantu a cuncordu y est l’apanage des confréries, tandis que le tenore se chante dans les tavernes. Le Tenore de Orosei Antoni Milia excelle aussi bien dans l’exécutions des chants sacrés que profanes et a su ainsi s’imposer de manière émérite dans le panorama international des musiques traditionnelles et sacrées | vidéo
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